[ Chapitre 1 ] — Une Nouvelle Ère

Anno Domini 1207, en octobre, alors que le froid est en avance de quelques semaines sur la saison.

La ville du Puy se fige dans la fraîcheur. Alors que le beau temps régnait encore il y a peu, les nuages sont arrivés en même temps qu’une chute flagrante des températures. On laissait les volets ouverts encore tard après souper. Aujourd’hui, pas une chaumière n’a pas réactivé son âtre.

Hier pourtant, on a battu la campagne ! Des allers et venues de tous les environs, des mouvements de troupes venant de Polignac, Chadrac et Chalensac ! La populace s’est réunie en masse autour du Pont Vieux qui permet de franchir La Borne, reliant la cité de l’Évêque à celle des Fraix. D’abord descendue par les artères les plus larges de la ville, après avoir franchi l’une de ses plus célèbres portes (la Porte Pannessac pour ne pas la nommer), elle a tenu a assister à l’une des plus importantes éxécutions de masse jamais notée dans la cité.


Pour l’évènement (la pendaison d’une vingtaine de brigands détrousseurs de grand chemin, qui semaient la terreur autant parmi les villageois que les pèlerins), nobles et écclésiastiques étaient représentés en conséquence. Les tuniques bleu et rouge du clergé local côtoyaient le fascé d'argent et de gueules de six pièces propre aux hommes de Polignac. Au milieu, se comptaient par dizaines, les robes blanches désormais célèbres de ceux que l’on nomme les Capuchonnés, ou Partisans de la Paix de Dieu. Nul n’ignore qu’entre ces trois partis, la tièdeur est toujours, au minimum, présente. Les pendaisons provoquèrent, comme convenu, la joie du peuple. Depuis, les corps sont exposés sur chaque versant de l’illustre pont. Quelques enfants sont restés plus longuement pour leur jeter des pierres, puis quelques fripouilles, dans l'espoir de ratisser poches et environs, en quête d'une pièce laissée dans le pantalon ou tombée dans l'herbe. Les gens venus d'ailleurs regagnèrent leur village; ceux venus de la ville retrouvèrent bien vite la chaleur de leur foyer.

En fin de journée, l’afoieur annonçait dans les rues du Puy que les suppliciés resteraient pendus une nuit et un jour. Après quoi, on chercherait une poignée de volontaires pour aider l’exécuteur dans son travail: déplacer les corps pour les exposer sur les fourches patibulaires installées comme à leurs accoutumées aux trois entrées les plus exposés du bourg: la première quelques mètres en amont du pont, devant la porte Pannessac; la seconde au sud de la ville, place du Breuil; la troisième enfin, porte Saint-Jean, presque juxtaposée au domaine des Carmes. Les inscriptions seraient prises avant demain midi, auprès de l’intendant du prévôt. La solde sera de deux sols pour l’occasion.

Tard dans la nuit, on entendit comme une explosion, rue Boucherie Haute.

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