[Chapitre 1]Murmures de Fimbulvetr

Finalement sur ordre de Bjorn seule Runa n'est pas attachée par un harnais, car il faudra bien quatre loups pour tirer le traineau et le lourd coffre qui y repose sans vous épuiser inutilement, ni risquer de faire céder le harnais en lui imposant une force de traction trop importante. Chacun dans sa forme de loup, Runa en pointe, vous reprenez votre route en direction du lieu où le coffre est gardé. A l'approche de celui-ci, quelques échanges de hurlements sous forme de loups vous permettent de prévenir la meute des Sangs de Glace de votre arrivée. Si vous ne les croisez pas directement, vous savez que ses membres sont à proximité, empêchant tout intrus potentiel d'arriver au contact du coffre corrompu. Une précaution prise pour des intrus surnaturels très probablement, car avec le vent glacial qui rugit plus fort dans la zone, la neige qui vous fouette le corps et gêne la vue, difficile d'imaginer un humain arriver jusqu'ici.

A l'aide de tissus et autres artifices qui vous évitent un contact direct avec l'objet, vous le placez dans le coffrage et n'avez aucun besoin de chercher à Sentir le Ver pour en ressentir l'Essence, si proches du contenant antique. Vous ressentez une forme de dégoût profond, sous contrôle mais impossible à ignorer totalement. Même une fois recouvert par le couvercle de bois, votre instinct vous hurle que derrière cette paroi, un mal profond est à l'oeuvre.

Enfin vous repartez, tirant votre lourd fardeau vers d'autres montagnes où le véhicule des imprudents chercheurs de trésors s'est rendu. Assez vite, vous vous rendez compte que vous avez sous-estimé le délai avant l'arrivée à votre destination. Vous êtes puissants, mais loups, et courir avec un poids aussi important à tirer s'avère plus compliqué que prévu. Il vous faut faire des pauses plus régulièrement que vous l'aviez imaginé.

Le trajet avec cette configuration sera plus rapide qu'avec n'importe quelle autre, vous n'en doutez pas. Mais cette nouvelle expérience désagréable vous apporte de nouvelles informations sur vos capacités, vos forces et vos faiblesses de loups. Faiblesse n'étant pas Fenrir, vous faites au mieux de vos capacités -ce qui reste probablement mieux que n'importe quelle autre tribu- et progressez contre le vent glacial, dans la neige qui ajoute à vos difficultés.

Le traineau et son coffre vous tire vers l'arrière, d'autant plus lorsqu'il s'enfonce par intermittence. Et cette traction vous énerve. Et vous êtes mus par une volonté forte d'en finir, d'avancer contre les éléments, tirer ce coffre qui vous empêche d'avancer comme vous le voulez. Et la Rage s'accumule dans l'épreuve, car rien ne résiste aux Guerriers de Gaïa. Et votre Rage vous pousse à bander vos muscles, et vos pattes s'enfoncent plus encore. Avant que, vous adaptant, vous repreniez votre avancée. Pour reproduire le même schéma cent mètres plus loin. En un véritable combat contre vous même, chaque difficulté vous pousse à faire preuve de force pour la dépasser, vous montrer meilleurs. Et l'usage de cette force tend à vous handicaper dans la neige.

Runa quant à elle ne subit pas ces contraintes terribles. Le vent glacial et puissant tente bien de la faire chuter, mais il en faudrait bien plus pour mettre à terre une louve de sa trempe. Elle maintient son avance mais doit faire face à ses propres tourments : tous sens aux aguets pour voir et entendre un ennemi éventuel avant d'être remarqué par lui, la ragabash ressent une présence contre nature.

D'ailleurs, à mesure que vous vous enfoncez dans le Jotunheimen en vous rapprochant de votre destination, vous le ressentez tous : quelque chose s'est réveillé ici. Vous ne le voyez pas, ne le sentez pas, mais vous le ressentez. Votre instinct de Garou grogne.

Le coffre est récupéré et placé dans le réceptacle improvisé que je venais de construire sur place. Ma curiosité pour connaître le contenu du coffre est vite refoulée par l'odeur de corruption qui s'en dégage. Intérieurement, je peste à l'idée que mon ouvrage, bien que très rudimentaire, devienne aussi corrompu que son contenu.

Le trajet reprend sous forme Lupus à aider mes frères et sœur de meute à tirer le traîneau et son lourd chargement. Je jalouse Runa, capable actuellement de se déplacer librement. D'un autre côté, je n'envie pas sa responsabilité, nous sommes à la merci du moindre adversaire. Elle ne peut donc pas louper un indice, une trace ou une odeur sans quoi notre meute risque l'embuscade. Ces harnais et le chargement du traîneau limiteront notre vivacité.

Depuis le début de notre voyage, je n'ai pas dit un mot, difficile de parler sous cette forme Lupus, pour le bonheur de certains. Il est facile de voir que plus les heures avances, plus je deviens agitée. Il n'est pas commun pour moi de rester aussi longtemps sans dire un mot, même si notre endurance physique est mise à rude épreuve.

Alors que nous nous enfonçons dans le Jotunheimen, cette sensation étrange qui nous entoure m'apparaît rapidement comme une menace, une chose que l'on ne voit pas, que l'on ne sent pas, je ne suis pas tranquille et vous le communique par un gémissement plaintif, ma seule interaction depuis le début de notre mission. Tout en continuant de tirer le traîneau avec les trois autres membres de la meute, je regarde désespérément Runa, ou l'endroit vers lequel je suppose qu'elle se trouve.

Je soupire brièvement quand je reçois la consigne de me changer en loup pour tirer le traineau : mes frères et sœurs de meute connaissent mes désagréments liés à mon absence de queue. Je retrouve presque aussitôt mon mutisme habituel.

Et, une fois changé en loup, je fais du mieux que je peux pour ne pas retarder mes compagnons de labeur. En silence. Même si des grognements rageurs peuvent toutefois m'échapper lors de désagréments imprévus, tels que trous dissimulés par la neige.

Sitôt que je ressens instinctivement cette menace planer, je tente irrégulièrement de brefs regards - pendant des intervalles de quelques secondes - à travers le Goulet.

Tout le long du trajet j'ai rongé mon frein et mon envie d'aller plus vite, jetant régulièrement des regards à mes frères et soeurs de meute. Mais d'une, je ne voudrais échanger ma place contre la leur à aucun prix. De deux, je sais bien qu'ils ne ménagent pas leurs efforts et qu'ils accélèreraient sans hésiter s'ils le pouvaient - le contraire serait si surprenant qu'il ne m'effleure même pas l'esprit.

Aussi j'utilise la frustration comme une motivation supplémentaire à trouver le meilleur chemin, ou en tout cas le moins pire. Et je redouble de vigilance, bien décidée à ne rien laisser passer qui pourraient mettre la meute ou sa mission en danger.

Quand la présence se manifeste je suis partagée entre le soulagement d'enfin arriver à quelque chose, quoi que ce soit, et la si désagréable impression que me laisse sa nature. Mon poil se hérisse et je réfrène un grondement, cherchant instinctivement la position de ce danger plus que potentiel, prête à me déplacer pour mieux affiner ladite position.
Puis, après une hésitation reflétant la lutte interne que je mène contre ma propre curiosité, je me fais violence et secoue la tête avant de revenir le plus vite et silencieusement possible vers le traineau. Arrivée sur place, j'adopte aussitôt la forme glabro et commence à défaire les harnais pour libérer la meute.

[Si c'est impossible à faire sous forme Glabro, d'après mon expérience se limitant à avoir attaché les harnais au départ, c'est la forme homidé que je prends]

Les épreuves ne m'ont jamais fait peur, mais au fur et à mesure de notre progression, je me rends compte à mon corps défendant que j'avais quelque peu sous-estimée la pénibilité de notre entreprise. Ce n'est pas tant physiquement que le bas blesse, car j'ai depuis longtemps à faire fi des signaux de mon corps pour repousser mes limites, mais bien pour garder le contrôle de ma Rage tant la tâche de tirer le traîneau est rendu insupportable par les conditions climatiques. Cela étant comme ma meute, je prends sur moi et continue l'avancée, encore et encore, me refusant de céder un pouce de terrain que ce soit à la colère ou au découragement.

Bientôt, autre chose prend le dessus. Cette sensation d'une présence malfaisante et éveillée, qui épie le moindre de nos gestes. La mine de mes compagnons comme le retour de Runa qui vient nous détacher de notre charge me confirme que je ne suis pas le seul à l'avoir sentie.

Libéré je reprends forme humaine et interroge du regard ma cousine, une main devant les yeux pour pouvoir les garder bien ouverts et braqués sur elle en dépit des flocons qui s'abattent.

Je me fais attacher au traineau en essayant de garder un semblant de dignité, dignité que les forces cosmiques de la tellurie semblent décidés à effeuiller en ce jour sombre. Alors que Runa fini de m'arnacher, je ne manque pas de chercher à "pincer" sa main, histoire de bien faire partager mon humeur massacrante.

Et ce n'est pas le trajet qui l'améliore. Non seulement nous sommes réduits à être des bêtes de bât, mais cette tempête qui persévère me paraît de moins en moins naturelle. Je subis la contrainte physique avec un stoïcisme venant de l'habitude, cherchant à compenser comme je peux pour ceux d'entre nous qui sont moins endurants. Les conditions du voyage provoquent plus d'un grondement agacé dans ma gorge, qui devient presque continu dès que cette présence se fait sentir sans que nous puissions y faire quoique ce soit.

Libéré des liens, je bondis immédiatement pour m'en éloigner, reprenant ensuite la forme du glabro. J'incite tout le monde à se rapprocher, scrutant l'environnement avec une tension palpable. Chacun de mes mots est craché plus qu'il n'est prononcé, témoignant de ma nervosité à fleur de peau.

"uis lus chûre que che choit une chi onne idée que cha de le ramener ichi…"

La neige commence déjà à recouvrir doucement vos traces tandis que Sfava s'exprime, son phrasé rendu peu intelligible par la forme glabo, plus adaptée à la Haute Langue qu'à celle des Hommes. Sans parler du vent glacial qui charrie la neige et recouvre une bonne partie des sons.

Quoi qu'il en soit les sentiments transmis eux, sont clairs. Une autre chose vous paraît limpide : alors qu'il reste encore environ 25% de la distance à parcourir, cette sensation oppressante persiste. Difficile de déterminer précisément l'origine de celle-ci mais le profond dégoût qu'elle instille en vous cumulé à l'agitation sourde de la Rage qui vous habite témoignent d'un mal que vous ne connaissez que trop bien : le Ver est à l'oeuvre ici.

Tandis que vous êtes à l'affut, prêts à réagir à la moindre agression, rien ne vient perturber la danse glacée du vent puissant. Même vous, habitués aux températures extrêmes, sous votre forme Glabro, ressentez le froid qui vous transperce. Dans cette étendue hostile, un mot vous vient naturellement à l'esprit, issu des comptes mythologiques du peuple de votre Parentèle : Fimbulvetr, l'hiver prélude au Ragnarök.

Sitôt détaché du harnais, je reprends forme humaine et soupire de soulagement, avant de grelotter. J'annonce alors rapidement :

"J'ai tenté de regarder plusieurs fois à travers le Goulet pendant notre trajet. Et je n'y ai jamais réussi."

Puis je me change en Glabro, pour redevenir silencieux.

Je hausse un sourcil quand Svafa s'exprime, mais ne tarde pas à opiner du chef pour montrer ma compréhension. Avec une grimace, je réitère le geste suite à l'ajout d'Erlend avant de répondre à la question muette de Bjorn :

"Je sais pas ce qu'il y a devant, mais ça sent pas bon et je me voyais mal continuer en aveugle. Ou aller voir seule en vous laissant tous les quatre attachés à ce fichu traineau !

Soit je vais jeter un oeil, soit on planque le coffre et on y va ensemble..."

S'il est évident que j'attends la décision de l'Alpha pour m'élancer, il est tout aussi évident que j'ai très envie d'aller voir de plus près ce qu'il en est...

Voir Runa revenir vers nous ne me plaît guère, encore moins lorsque celle-ci nous détache. Cependant je ne perds pas un instant et imite les autres membres de la meute, bien trop contente d'être libérée de mes entraves.

J'écoute Sváfa en penchant la tête, cherchant à comprendre quelle bête la pique, pousse une longue expiration qui se transforme en volutes de fumées à l'intervention d'Erlend, mais porte mon attention sur Runa avant de dire quoi que ce soit. Sans attendre une confirmation de mon alpha, je me transforme en Hispo, et m'éloigne de quelques pas sur le chemin que nous avions emprunté pour observer les environs en utilisant tous mes sens.

J'acquiesce de la tête aux paroles de Runa et note d'un signe de tête celles d'Erlend, puis répond avant que mon frère intervienne.

"C'est clairement pas bon. Pas bon du tout. On va pouvoir oublier de cacher les pièces ici..."

J'englobe ensuite tout le monde.

"On peut aussi essayer de se décaler, l'entraperçu est un exercice vraiment difficile et depuis la tempête ça l'est encore plus. On pourrait y éveiller un esprit pour lui demander depuis combien de temps, c'est comme ça."

Vous ayant écouté le regard tourné vers cette tempête qui semble sans fin, je finis par sortir à nouveau de mon mutisme.

- Je suis surpris que le Sept ne soit pas encore au courant de la menace qui pèse ici. Ce serait de la folie de souhaiter déposer le coffre dans un endroit pareil. Ce serait comme le donner à l'ennemi de la main à la main.

Je soupire même si la résolution dans mon regard ne faiblit pas un instant.

- C'est lié à ce coffre et à nos dernières découvertes, c'est évident. L'entité derrière tout cela se trouve quelque part dans cette direction. Mais on ne peut rien faire avant d'avoir trouvé une solution pour cacher notre paquet. Et notre plan vient de tomber à l'eau.

Je me gratte la tête vigoureusement avec une main pour m'aider à réfléchir plus vite.

- Je propose de trouver un lac ou une grotte reculée pour l'y mettre, et de demander à un esprit de veiller dessus et de prévenir le Sept en cas de problème. Qu'en dites-vous ?

Retenant un soupir, je quitte la forme Glabro pour reprendre forme humaine et exprimer rapidement :

"Je propose de quitter les lieux rapidement et de ne prendre notre décision pour le coffre qu'une fois à l'écart de la menace."

Mon regard oscille un instant entre la source probable de corruption, le coffre, Bjørn, puis à nouveau la source... avant de me rendre aux arguments énoncés, dans un soupir grondant de frustration retenue.

"Ça me va... mais je vote pour la grotte : c'est pas ça qui manque, et on aura moins de risque de corrompre la faune assoiffée du coin."

Je suis toujours sous forme Hispo, et vous me voyez revenir à grande vitesse tout en poussant un long hurlement, celui de se replier.

Non loin du traîneau, je repasse sous forme humaine afin de préparer notre harnais. Tout en m'affairant, je vous fais un rapport avec un sang-froid notable, laissant uniquement les informations importantes franchir ma bouche :

"Multiples formes. Penumbra. Une dizaine, non identifiées. Vite !"

Les courtes de paroles de Skade, d'habitude, si volubile, m'alarme tout autant que ce qu'ils véhiculent. Je ne tergiverse pas plus longtemps et sans perdre un instant reprends ma forme lupus. L'idée de devoir être restreinte avec l'ennemi qui guette va à l'encontre de tout ce que me hurle mon instinct, mais nous devons sortir le coffre d'ici... Et malgré tout, ce ne sont pas quelques liens de cuirs qui m'empêcheraient de me défendre ou défendre le coffre.

Immédiatement, je lance :
- Repartons tout de suite. Runa, Skade, vous nous prévenez avant qu'ils nous tombent dessus.
Je me retransforme et entreprends de recommencer à tirer le traîneau en sens inverse pour sortir de la zone le plus vite possible.

Aussitôt les injonctions de notre Alpha entendues, je reprends la forme Lupus et me refais attacher au traineau. Dès que tous les tireurs sont harnachés, je m'élance et tire du mieux que je peux.

Je lâche un juron en entendant les mots de Skade, et m'approche aussitôt pour l'aider avec les harnais.

Puis j'adopte ma forme lupus et donne un léger coup de museau à la jeune femme pour la pousser vers l'arrière-gauche du traineau avant de me positionner vers l'arrière-droite. Durant le trajet, j'utilise la totalité des sens exacerbés de ma forme actuelle pour surveiller en priorité la direction dont est revenue ma sœur d'auspice, sans pour autant négliger la possibilité que l'ennemi -quel qu'il soit- puisse chercher à nous contourner.

J'adopte à mon tour la forme Lupus, laissant Runa m'aider avec les entraves me reliant comme les autres au traîneau.

Comme le reste de la meute, je reprends la pénible tâche de tirer le traîneau et son contenu sur le chemin inverse, pour nous éloigner de cet endroit. Mes oreilles se tournent dans diverses directions, pour capter un son qui pourrait signifier que quelqu'un ou quelque chose se déciderait de nous suivre.

Je me laisse envahir par l'adrénaline, me donnant la force de tirer le poids mort derrière moi. L'émotion que je dégage n'est pas de la peur, je suis animée par le désir de mener à bien notre mission, et par celui de retourner dans la Penumbra pour nous débarrasser de ces silhouettes qui préfèrent rester cacher dans l'ombre plutôt que de nous faire face.

Animés d'une énergie rageuse vous rebroussez chemin, emportant à nouveau votre fardeau pour l'éloigner de cette zone, jugulant une Rage primale qui ne demande qu'à s'exprimer, alimenté par le contexte. Le vent ne faiblit pas, le froid mord toujours avec force, bien qu'il en faudra bien plus pour vous faire faiblir sous votre forme lupine. C'est à nouveau un combat entre votre volonté, votre force physique, et cette neige qui tente de vous empêcher d'avancer, dissimulant creux et obstacles inattendus.

Galvanisés, vous avancez vite. Autant que vous le pouvez du moins. Vous éprouvez une grande difficulté à retrouver votre chemin. Vos traces de pattes ont été recouvertes, votre odorat est trahis par le vent puissant qui balaye les traces olfactives, vous avez un sentiment extrêmement désagréable que la nature qui vous environne cherche à vous perdre, à vous nuire. Elle lutte contre vous, s'amuse de vous. Vous vous sentez perdus dans cet océan de blanc et de glace. Les contours des montagnes ont disparu dans le ciel rempli de flocons. Pour ne rien arranger, votre fardeau vous donne l'impression d'être plus lourd. Comme si à mesure que vous progressez, du poids venait s'y ajouter, ou qu'il cherchait à s'ancrer dans le sol.

La sensation précédente, cette oppression d'une autre nature qui vous a fait rebrousser chemin semble s'être atténuée.

L'effort est brutal, d'autant plus dans des conditions telles que celles-ci. Nulle certitude sur notre trajet, le sentiment d'avoir l'ennemi collé à nos basques, sans en connaître réellement ni le nombre ni la nature, et cette impression que la zone-même est en quelque sorte éveillée, et ne nous veut aucun bien.

Quand enfin il me semble ressentir une inflexion dans la pression mise par l'environnement et par nos poursuivants, je me décide à relâcher mon effort.

Hâletant, je me tourne vers Runa avec insistance, sans changer de forme des fois qu'il faudrait repartir immédiatement.

La reprise de l'effort n'enchante guère mes muscles, forçant à nouveau contre ces entraves, mais je reste concentrée sur notre nouvel objectif.

Je savoure la décharge d'adrénaline parcourant mon corps, je me sens à ma place, sur le terrain avec ma meute. Je me bats contre le vent glacial qui semble s'infiltrer dans mon pelage pour aller taillader ma chair mise à vif par l'effort. Lorsque la sensation précédente paraît disparaître, et voyant l'alpha mettre temporairement fin à notre supplice, je profite de ce moment de supplice pour m'assoir sur mon arrière-train.

Mes pupilles jaunes perdent de leur éclat pour devenir soudainement laiteux [entraperçu + 1pt de volonté].

Dès que la sensation paraît moins forte et moins oppressante, j’effectue aussitôt un entraperçu et fouille rapidement les lieux, derrière nous et tout autour du traîneau. Entre l’entraperçu et le vent qui souffle encore, je choisis un mode de communication a priori sans faille :

"On dirait que la plupart de ces… choses sont restées là-bas, quoi qu’ça ait pu être.
Cela dit… je vois pas grand chose de net : il reste quelques formes qui sont encore là autour de nous, mais pas moyen d’être sure qu’ce soit les mêmes !

L’un de vous s’en sort mieux ?"

Télépathie ou non, la frustration de ne pas avoir plus de détails est clairement présente dans le ton que j’emploie…

La course pour retrouver Skade, le retour, l'aller avec le coffre, le retour avec notre charge et tout qui semble s'acharner contre nous... Jamais je n'ai eu à vivre des conditions aussi dures, même pendant le plus dur de mes entraînements. Encore une fois, je ne peux que me féliciter que nous soyons des Fenrir, car à coup sûr, d'autres garous auraient failli devant la tâche. Je puise dans tout ce qui me reste de force pour accomplir mon devoir, le cœur gonflé de fierté de voir chaque membre de ma meute subir le même sort dans un silence résigné et volontaire.

La sensation d'oppression venant de toutes parts et de nulle part à la fois, me laisse les nerfs à vif, et ils le sont encore bien après que nous avons quittés cette influence néfaste et terriblement inquiétante. Lorsque Runa confirme la présence de quelques ombres de l'autre côté, mon poil se hérisse alors que j'effectue à mon tour un entraperçu, confiante en ma meute pour me protéger pendant les quelques instants où je serais vulnérable. [entraperçu + 1pt de volonté]