[Chapitre 1]Murmures de Fimbulvetr

La jeune femme semble presque surprise lorsque Svafa s'adresse à elle, semble hésiter sur la conduite à tenir, et se lance finalement après s'être approchée afin de mieux se faire entendre.

"Je pense pas. Il y a moins de neige au sol je crois, il y aura beaucoup moins de monde sur la route, c'est sûr. Mais en même temps, vous aurez pas de bagnole, la distance sera la même, et y a environ 300 bornes à faire. Du coup c'est à vous de voir en combien de temps vous pouvez les parcourir, mais à mon avis sans vouloir remettre en question quoi que ce soit, une voiture sera plus rapide, même si pour ça on doit faire une partie à pattes -enfin, pour vous- le temps de la récupérer."

Et après vous avoir abreuvé de sa réponse, elle conclut naturellement par un agréable sourire.

Quand Dagrun nous libère enfin, je me redresse et commence à faire quelques pas dans un sens puis dans l'autre, faisant jouer doucement les muscles de mon corps. Je ne cherche clairement pas à m'éloigner, du moins pas encore, mais ma posture entière montre que je n'ai qu'une envie : partir retrouver Skade.

La question de Sváfa me fait réfléchir, tandis que mon regard se porte instinctivement en direction de Trondheim. Et si je n'ajoute rien aux échanges en cours, je hoche la tête suite aux mots de la Corax, montrant ainsi que j'adhère à son raisonnement. Ou au moins une partie.

Je ne cherche pourtant pas à influencer la décision (peu importe le moyen, tant qu'on se met en route !) et me tourne à nouveau vers Bjørn, attendant plus ou moins patiemment qu'il se prononce.

La réponse du théurge comme celle de la corax m'arrachent un grondement. D'une humeur massacrante, je n'ajoute rien et me retourne vers mon frère et alpha.

Je finis par rompre mon silence, d'une voix calme et déterminée.
- Ne perdons pas de temps. Allons voir si on peut faire repartir le véhicule de Yelena.
Je lance un regard sans appel pour la corax :
- Tu profiteras du trajet pour nous expliquer clairement ce qu'il se passe.
Sur ces mots, je salue Dagrun et Holger, prêt à revenir au niveau du x-trail abandonné faute de pouvoir avancer davantage à cause de la neige.

La jeune brune acquiesce sans hésiter lorsque Bjorn lui propose d'expliquer sur le chemin. Dagrun et Holger vous laissent partir, après un bref hochement de tête en guise de salut, observant votre meute se diriger vers la suite de son destin, et dans un premier temps, vers ce X-trail enfoncé dans la neige. A l'évidence, le redémarrer ne serait pas un problème, vous pouvez vous en rendre compte assez rapidement, après avoir écarté le corps de la Parente décédée.

Le principal problème réside dans le fait que s'il est arrêté, c'est parce que son précédent conducteur imprudent est sorti de la route et s'est enfoncé profondément dans la neige. Il faut donc le ramener à minima sur la route -ce que du moins vous estimez comme telle- avant de repartir.

Une chose impensable en l'état pour n'importe qui. Fort heureusement, ce n'est pas ce que vous êtes, et à trois, voire quatre Glabro pour assurer votre coup, vous vous sentez capable de déplacer le x-trail pour le ramener au bon endroit en le soulevant. Sous votre forme de guerre, deux d'entre vous suffiraient. Mais ce serait impropre, voire insultant pour cette forme suprême et ce qu'elle représente.

La question résidant étant : serez-vous capable et prendrez-vous le risque de conduire sur une route de montagne très largement recouverte par la neige qui ne cesse d'ailleurs pas de tomber, avec une visibilité quasi-nulle ?

Après avoir contribué à dégager le véhicule, je constate les conditions météorologiques et le manque de visibilité. Je lance alors un regard interrogateur vers mon Alpha...

Je suis le mouvement et aide à remettre la voiture sur la route, sans chercher à cacher mon envie de partir vite pour arriver plus vite. Avec ou sans neige, je serai de toute façon bien incapable de conduire le véhicule - ou alors au ralenti, ce qui est incompatible avec le fait de retrouver Skade au plus vite. Je laisse donc Bjorn estimer les risques de lui-même, et me prépare juste à embarquer dès que nécessaire.

J'accueille le répit de l'action avec un plaisir non feint et ne me fait pas prier, canalisant ma colère sur cette voiture et le besoin de la déplacer sur la route. Je croise les bras et laisse notre seul conducteur nous donner le go.

J'observe le véhicule, le ciel, et les conditions de visibilité autour de nous. Ce faisant, je sens bien peser une nouvelle fois tous les regards sur moi, mais je n'en prends pas moins le temps qu'il me faut pour arriver à la conclusion qui me semble au final la plus sûre et la plus rapide.

- Mon idée a du plomb dans l'aile. On va perdre plus de temps qu'en gagner dans ces conditions. Courons, plutôt.

Pour la Corax :
- Tu peux voler malgré la tempête ?

Je m'apprête ensuite à prendre ma forme lupus.

Si je ne dis rien, je ne peux m'empêcher de sourire doucement, mes yeux brillant de la satisfaction que la dernière décision de Bjorn m'apporte : je suis bien consciente de l'urgence de la situation... mais clairement, courir à pleines pattes m'attire plus que de monter dans un véhicule !

Je profite du dernier échange entre mon Alpha et la Corax pour faire jouer mes muscles, assouplissant ce qui en aurait besoin, et me prépare à changer moi aussi en lupus pour suivre l'Arhoun dès qu'il s'élancera.

Je hoche la tête approbativement, visiblement satisfait. Je me prépare donc à assumer ma forme lupus dénuée de queue.

Une joie sauvage s'affiche sur mon visage, clairement l'idée de courir sous ma forme lupus m'emballe moi aussi beaucoup plus que celle de passer tout le voyage engoncé dans une voiture.

Comme toujours je marque un temps d'arrêt devant la forme physique mutilée d'Erlend, mais ne m'y arrête pas et emprunte à mon tour le lupus dont le pelage gris clair est parfait par temps de neige. Je m'ébroue et étire chacun de mes membres, le dos et la queue droite et les oreilles aplaties sur mon crâne tandis que je jappe d'impatience.

"Oui !", répond vigoureusement la jeune corax à la question de Bjorn, opinant du chef avec énergie. "C'est plutôt merdique, je vais pas te mentir, mais c'est possible. Si vous voulez, on se retrouve à une quarantaine de bornes au nord d'ici, aux abords de Fossbergom. Devant l'église disons. Je vous y attendrai avec une voiture. De ce que j'ai vu en arrivant, la tempête ne souffle plus dans le coin."

La jeune femme attend confirmation de l'alpha de votre meute avant de changer de forme, retrouvant ses plumes noires de corbeau à l'envergure significative des Corvus Corax. Bon an mal an, elle prend son envol, puis disparaît assez vite dans le blanc de la neige qui tombe et tournoie, balayant vos visages. Vous prenez donc le loup et appréciez rapidement votre pelage qui vous protège si bien du froid. Vous ressentez chaque mouvement du vent, les odeurs variant au gré des rafales.

Vous entamez une longue route, bien que la notion de temps ait une certaine tendance à se brouiller lorsque vous êtes dans cette peau, et progressez parmi neige et montagne. A une allure plus élevée que celle de votre déplacement habituel, sans pour autant tutoyer votre vitesse maximum : vous savez qu'il vous faudra vous préserver pour parcourir la quarantaine de kilomètres qui vous séparent de Fossbergom. Néanmoins, durant votre progression, vous en avez la confirmation : rouler sur ce qui correspond habituellement à des routes de montagnes aurait été bien plus long. Rien d'étonnant, il arrive régulièrement l'hiver que ces routes soient impraticables - et votre tribu fait bien ce qu'il faut pour que ça ne change pas -, mais quelque chose en vous, un instinct primal, votre nature singulière, vous pousse à croire que cette tempête a quelque chose de plus.

En loup vous avalez les kilomètres à une vitesse qui paraîtrait incroyablement lente pour un véhicule, mais vous donne une sensation grisante. Puis après le temps qu'il faut, la tempête s'étant calmée, vous arrivez en vue de la petite ville de Fossbergom. Il fait jour, et vous devez retrouver votre forme humaine pour vous approcher de l'église, lieu de votre rendez-vous. Près de votre caern, vous n'avez aucun doute : personne n'oserait s'en prendre à un loup. Mais à quelques dizaines de kilomètres déjà, et bien que vous ne craignez absolument rien face à quelques chasseurs, vous pourriez vous retrouver à devoir inverser les rôles, ce qui vous retarderait.

Comme convenu, devant la vielle église de bois un gros range rover est stationné avec Triss au volant, moteur tournant.



Qu'elle conserve le volant ou qu'elle doive laisser Bjorn conduire, la jeune corax profite des longues heures de route, durant lesquelles Erlend ne paraît vraiment pas à l'aise dans la voiture, pour en dire davantage sur les événements, conformément à vos attentes -qui se ressentent fort bien-.

"Quelqu'un parmi vous a confié à Skade la mission de trouver des infos sur un groupe : les Enfants de la trois fois née. Comme Skade sait que je traîne mes oreilles et mes pieds dans pas mal d'endroits, elle m'a appelé pour savoir si j'en savais un peu sur ça. Et y s'trouve que oui. Enfin, en vrai, j'en savais juste suffisamment pour savoir comment en savoir plus.

Du coup elle m'a rejointe, et on est allées en direction de Trondheim, où j'avais déjà entendu ce nom là. On a fait une sorte de tournée des bars, des boites de nuit, pour récolter quelques infos par ci par là. En remontant la piste, avec quelques sourires et un peu de baratin, on est arrivées jusqu'à un club de nuit où un gus un peu chelou semblait bien connaître le groupe. Comme le type avait une sorte de clique autour de lui, on s'est dit que s'il trainait avec eux, il devait pas servir les bières si vous voyez ce que j'veux dire.

De fil en aiguille, on s'fait inviter à l'after qu'il prévoit avec sa clique dans sa baraque de luxe, aux abords de la ville. On est sur place, tout se passe bien... et bon, comme je dois aider Skade, j'profite d'un moment où elle parle avec Jardar, le type chelou, pour aller fouiner dans les coins du palace, pour essayer de récupérer quelque chose de concret.

Et... j'sais pas... je rejoins Skade et à ce moment là un autre type tout aussi chelou, avec les mêmes cheveux tout blancs débarque, hurle des trucs, une corde argentée à la main qu'il jette sur Skade façon cowboy. D'autres essayent de me capter, j'ai juste le temps de me transformer et d'me barrer en volant. De là, direction chez vous direct pour vous prévenir.

Je m'dis qu'ils vont pas lui faire du mal, vu qu'il savent que je suis dehors et que je sais où ils crèchent..."

Je prends ma forme lupine même si l'absence de queue me gêne grandement pour garder mon équilibre. Je préfère encore la sensation de déséquilibre aux désagréments procurées par un des moyens de transport mécaniques. Je suis donc aussi bien que possible la course de mes frères et soeurs de meute, en tâchant de ne pas les retarder. Pour finalement me rendre compte - une fois sous forme humaine - que j'aurais tout de même droit au transport mécanique...

Je prends donc mon mal en patience et essaie de faire abstraction de mon manque d'aise en me focalisant sur la remémoration des dernièrs enseignements de Dagrun. Je me reconcentre sur ce qui m'entoure quand la corax se met à parler.

Malgré l'inconfort de notre moyen de transport, je prête attention aux paroles de la corax. Dès sa phrase de conclusion, j'écarquille un instant les yeux. Et je prête aussitôt une vigilance assidue envers les alentours de notre véhicule, à la recherche du moindre individu, objet ou phénomène me paraissant inhabituel.

Je profite pleinement du parcours effectué sous forme lupus pour apprécier une nouvelle fois ses merveilleuses capacités. Outre la chaleur de la fourrure, l'agilité sur la neige, et la résistance à la course, les sens sont tellement différents, tellement puissants, qu'à chaque fois l'homidé en moi doit s'efforcer d'assimiler et de traduire toutes ses informations inhabituelles, et c'est par la pratique, forcément, que cette assimilation doit passer. Je fais donc ce que j'ai toujours fait : essayer d'apprendre autant que je le peux de mon expérience actuelle, sans bouder mon plaisir d'affronter les éléments sous cette forme, conscient malgré tout que notre sœur de meute en danger compte sur nous.

Quand nous arrivons au lieu de rendez-vous, de nouveau sous forme humaine, je prends place à l'avant du véhicule, côté passager, laissant la jeune femme conduire puisque apparemment c'est quelque chose qu'elle sait faire. Silencieux, je la laisse parler et donner les explications attendues. Plusieurs fois, je fronce les sourcils, mon regard ne se détachant pas du paysage neigeux devant nous malgré tout.

Quand elle en a fini, je réagis enfin.
- La Trois Fois Née... Nos affaires sont liées. Si ces personnes ont été capables de capturer Skade c'est qu'ils sont plus qu'un groupe de guignols ayant découvert une vieille légende pour prendre son nom.
Je marque un court silence avant d'ajouter :
- A voir s'ils sont derrière Idavoll Archéo également.
Je me tourne ensuite vers la Corax pour la fixer intensément et réagir à une autre partie de ses propos.
- Une corde d'argent pour capturer Skade, j'ai bien entendu ? Cela signifie qu'ils connaissaient sa nature, et plus encore, notre faiblesse. Quant aux conséquences de ta fuite, à voir. S'ils se doutent que nous arrivons, nous risquons d'avoir droit à un sacré comité d'accueil. Ou pire, ils auront peut-être quitté les lieux.
Je me plonge ensuite dans le silence pour laisser libre cours à la réflexion collective.

Une course en pleine nature... je trouvais déjà ça exaltant avant mon changement, ce qu'elle m'inspire désormais n'a plus rien à voir et il faudrait sans doute inventer un nouveau mot pour l'exprimer !
Je profite et m'efforce d'exploiter au mieux les avantages du loup, tant physiques que sensoriels, et de graver dans ma mémoire les particularités visuelles et olfactives du trajet - du moins celles auxquelles la tempête me laisse accès.

Une fois à Fossbergom, je monte dans le véhicule à la suite de Bjorn, prenant le premier siège qui vient sur la banquette arrière, légèrement frustrée de ne pouvoir continuer à pied.

Je me cale aussi confortablement que possible, et écoute en silence ce que Triss pourra nous apprendre. Les informations qu'elle fournit soulève à mon sens un tas de questions, si conséquent que je ne sais d'abord par où commencer.
Bjorn résoud mon problème en s'exprimant en premier, mais le dernier point qu'il aborde ne semble clairement pas me plaire et je laisse s'échapper un grondement léger.
J'attends ensuite les réponses de la Corax avec autant d'intérêt que d'impatience, mais ne peux m'empêcher d'ajouter sur un ton un peu crispé une question supplémentaire :

"Et... tu l'as trouvé, ce quelque chose de concret ? Ou quoi que ce soit qui pourrait permettre de les retrouver, s'ils ont changé d'endroit ?"

Dire que je profite de ce moment sous notre forme lupus est un mot faible. Elle me permet d'exprimer ce que je suis dans toute ma primalité sans toute les notions compliqués qui accompagnent l'humain. Sous forme de loup ma férocité est une dimension normale et naturelle. Chaque seconde de cette longue route, de cette lutte contre les éléments où je me sens plus que jamais exister, je dépense mon trop plein de fureur avec un objectif clair : Skade.

Je suis moins mal à l'aise qu'Erlend dans l'habitacle de la voiture, mais déjà je regrette l'extérieur, agacée par toute cette promiscuité. Je prend sur moi et écoute Triss. A la mention de la trois fois née mon regard croise celui de mes frères et sœur avec une lueur de reconnaissance - ce ne peut être un hasard - tandis que celle d'une chaine en argent pour capturer notre ragabash, tout aussi agaçante qu'elle puisse être, me fait bouillonner. A tel point que je préfère ne rien dire pour le moment, laissant les autres poser leurs questions pendant que j'écoute et me calme, autant que je le peux.

Triss garde le volant en main tandis qu'elle écoute les questions de Bjorn, et pour cause : c'est elle qui conduit. Sans ça, on devine aisément une tendance naturelle au recul lorsque votre alpha la fixe intensément. Un peu comme si elle se trouvait dans la position d'une dinde à deux jours de thanksgiving, son regard passe de l'un à l'autre régulièrement, dans cette voiture désespérément trop petite au vu du contexte.

Enfin, sans s'arrêter de conduire donc, à tout seigneur tout honneur elle répond à Bjorn dans un premier temps :

"La corde n'était pas totalement en argent. Je chipote peut-être, mais c'était plutôt une corde torsadée d'argent. Enfin j'imagine que ça ne change pas grand chose pour vous. Mais tu as raison, ce ne sont pas que des guignols normaux, ce sont des guignols surnaturels. Je saurais pas dire quoi exactement, c'était un peu étrange la sensation de leur forme. Je la dirais locale, glacée, mais j'ai jamais eu l'occasion de sentir ça."

Après ce premier léger flot de paroles, la jeune femme poursuit sans vraiment laisser de temps passer, si ce n'est le petit instant pour regarder dans le rétroviseur intérieur afin de voir Runa, à qui elle répond manifestement.

"J'ai plus ou moins trouvé du concret. En fait vu que c'était prometteur cette piste, et vu que Skade était bien partie, qu'elle captait bien l'attention de Jardar en lui parlant, j'me suis dit que j'allais fouiner un peu, vous savez en mode "c'est par où les toilettes ?", sans vraiment demander les toilettes. Je suis arrivée jusqu'à un bureau, pas fermé. C'est un peu de leur faute aussi, parce que si on veut pas que les gens aillent fouiner dans une pièce on la ferme, pas vrai ? Enfin bref je suis dans ce bureau, et mon attention est attirée par deux doubles haches, que je trouvais super jolie. Une beauté un peu brute, mais quand même, elles m'ont attirée, avec leurs beaux symboles, plutôt proches des vôtres. Enfin les vôtres, j'veux dire les symboles locaux, pas forcément Garous, genre les runes. Et hop, sitôt que je mets la main sur l'une d'entre elles, je sens qu'la pièce commence à se refroidir rapidement. J'ai senti qu'ça allait pas, je suis sortie rapidement pour aller récupérer Skade, lancer le signal du départ, mais ces types ont déboulé."

Pour le bien de votre contrôle personnel, la jeune femme semble en avoir fini de sa diatribe.

Je comprend tout de suite mieux pourquoi elle et Skade s'entendent bien. Elles parlent autant l'une que l'autre et j'ai déjà envie de la passer par la fenêtre. Mais, plutôt que laisser libre court à ma cordialité légendaire je me contente de fixer la base de son crâne et prend la parole d'une voix dure :

"Donc soit on a un comité d'accueil qui sait parfaitement ce qu'on est à l'arrivée. Soit ils ont mis les voiles. J'espère pour toi qu'il ne lui est rien arrivé..."

Je me renfrogne et ajoute :

"Et ces types "chelou" ils étaient grand ?"

Je prête une oreille un peu distraite aux paroles de la corax. Mon attention est focalisée sur les alentours de notre trajet. J'essaie de repérer le moindre individu, objet ou phénomène me paraissant inhabituel.

La mention des guignols surnaturels me fait froncer les sourcils, et je cherche dans ma mémoire si la description sommaire me rappelle quelque chose.

J'écoute ensuite avec attention la réponse de Triss, une attention redoublée par l'impression de devoir séparer l'utile du superflu. Synthétique, elle connait ? Je ne cherche pas à cacher les émotions que ses mots font grandir en moi. Trouver du concret est une chose, mettre la main dessus sans réfléchir en est une autre, bon sang ! Heureusement, Svafa résume vite l'essentiel et m'évite d'expliquer à Triss mon avis sur la question. Je me contente donc de marmonner, d'une voix assez faible pour ne pas couvrir une éventuelle réponse de la Corax : "J'aimerai autant qu'ils nous attendent, ça éviterait de devoir chercher une aiguille dans une botte de foin..."

Je ne montre aucune émotion pendant les explications, me contentant d'absorber ce qui doit l'être dans le flot de paroles qui se déverse. Il n'y a guère qu'une main fermement rivée sur le repose-bras de la portière qui blanchit par moments qui peut montrer à un observateur avisé que la corax commence également à me rendre la vie difficile...

Après Svafa et Runa, je laisse passer un court silence, avant d'enchaîner d'un ton froid et posé :
- En résumé tu as déclenché l'alarme puis tu as fui en laissant Skade derrière toi.
Je laisse de nouveau passer un bref silence probablement assez pesant, avant de continuer.
- De quoi te rappelles-tu sur l'endroit où nous allons ? Configuration des lieux, nombre de personnes à l'intérieur, etc. ? Ta petite visite t'a-t-elle permis de repérer un coin digne d'intérêt, ou alors une pièce où Skade pourrait maintenant être enfermée ? Des étages, un sous-sol ? Tu as vu à quoi l'Umbra ressemblait là-dedans ?

Une partie de la répartie de Svafa provoque un certain affaissement quasi imperceptible des épaules de la Corax, qui se trouve malheureusement coincée dans la voiture sans pouvoir s'en extirper : elle conduit.
Chose assez exceptionnelle, elle n'ajoute rien, pour ne pas dire qu'elle semble avoir le bec cloué. Elle se trouve néanmoins contrainte de répondre à la question qui lui est directement posée par la philodox.

"J'dirais... environ 1m90 pour Jardar, entre 1m75 et 1m85 pour sa clique. Un beau morceau mais rien d'exceptionnel non plus."

Elle retrouve ensuite une position qui lui convient tout aussi bien, voire mieux dans certains contextes, notamment celui-ci : elle reste simplement à l'écoute, tâchant de se faire oublier. Mais Bjorn, manifestement persuadé que la menace n'est pas assez présente, en rajoute une couche qui ne manque pas de générer une expression peu à l'aise sur le pourtant si joli visage de la jeune brune.

Finalement, puisqu'elle n'a pas le choix elle répond, levant un doigt comme pour marquer un point essentiel.

"Déjà, je ne dirais pas les choses comme toi. Déjà... hey, j'suis pas une Goëland de bataille ou une tarée de fille de la volée moi ok ? Si j'étais restée sur place, j'aurais pas aidé à grand chose si les mecs avaient voulu m'rentrer dans les plumes. Et si on y étaient passées toutes les deux, vous auriez même pas été au courant. Au moins, avec mon envol, on est là à en parler. Si Gaïa avait voulu que je joue les grands héros comme vous, elle m'aurait donné une forme moins débile que ma forme crinos ! Et fallait bien fouiner pour essayer de trouver du concret pour remplir la mission que vos boss ont confié à Skade."

Elle se tait alors, jaugeant les réactions pour vérifier que son envolée lyrique ne va pas déclencher une contre réaction dangereuse. Si elle est toujours en vie après ces quelques instants, elle poursuit donc, réajustant sa position de cou pour détendre la tension musculaire à défaut de diminuer la tension environnante.

"C'était une villa, murs de pierre et bois, ancienne mais très bien entretenue au point de douter. Il y a un étage, un sous-sol je crois, et la surface au sol doit être d'environ 250m2, au becomètre. Pas mal de pièces, et dans l'umbra, depuis l'extérieur tous les murs s'y trouvent. J'ai pas vérifié de l'intérieur, ça s'y prêtait pas trop. Y a des caméras qui couvrent tout l'extérieur, pas d'angle mort remarqué, aucune caméra visible à l'intérieur. Quand c'est parti en vrille, il y avait une quinzaine de personnes sur place, mais il y avait la clique de Jardar avec nous à ce moment, alors on peut déjà en virer une douzaine qu'avaient pas l'air bien vaillants, et pas proprios. Deux présences au max ont été hostiles, une fois que c'est parti en vrille. Elles ne l'étaient pas avant. Par contre, mes capacités pour repérer ça ont une portée, et qui ne couvre pas toute l'étendue de la maison alors je promets rien. Et comme on m'a pas fait de visite guidée, j'ai pas tout repéré."

A l'extérieur, Erlend peut apprécier le paysage qui défile. La neige renvoie les rayons du soleil, les montages au loin déchirent le ciel et font hommage à cette terre : dure, sans pitié, à l'image de vos coeurs et de vos griffes. Si ce n'est ce tableau du nord qui lui emplit le coeur d'une volonté de protéger la Mère, de détruire tous ses destructeurs, rien de particulier ne frappe dans cette vision. Aucune autre voiture ne circule durant cette partie du trajet, et les prochaines maisons sont encore loin.

Mon regard se fait un peu rêveur pendant que j'observe la nature enneigée, le temps que je m'en aperçoive. Je secoue un bref instant la tête et me reconcentre sur ma surveillance de l'extérieur. Au moins, un cadre que je comprends pleinement, contrairement à ce que décrit la corax...

J'enregistre les réponses aux questions formulées, essayant de me figurer une représentation sommaire des lieux et des forces en présence, du moins, celles que Triss a pu détecter.

Rompant le silence, je lance :
- Erlend, la description de ces personnes t'évoque quelque chose ? Des idées d'approche ? Svafa, Runa ?