[Chapitre 1.15] — L'Antre Nosferatu

J'ai un sourire dans le dos du moine:

-Oui, c'est justement ce que je disais à Janvier...

Le domaine vous est de plus en plus familier, vous avalez la distance qui vous sépare du fameux puit, même si votre rythme aurait pu être plus rapide si en chemin, vous ne vous étiez pas obstinés à jeter de nouveaux et nombreux coups d’œil.

En tout cas, après vous être enfoncés dans des boyaux de plus en plus étroits, vous voici arrivés à la fin de votre périple, au bord d’un trou profond et au pied d’un conduit aspergé par des myriades d’éclaboussures. Vidal se prépare à gravir le puit, mais les parois ruisselantes vont considérablement lui compliquer la tâche. Apres s’être entouré de la corde du Cappadocien, il se lance.

Force + Athlétisme SR8
L'Oeil a effectué 5 lancé(s) d'un d10 :

7 , 3 , 6 , 7 , 9

Les deux compères attendent que leur éclaireur ait sécurisé les lieux avant de voir la longe apparaître et pendre devant leurs yeux.

— Je passe avant toi, nous ne serons pas trop de deux pour te hisser, décide Janvier qui s’attend à tirer l’estropié comme un poids mort.

Force + Athlétisme SR7
L'Oeil a effectué 4 lancé(s) d'un d10 :

10 , 10 , 5 , 6

Reroll L'Oeil a effectué 2 lancé(s) d'un d10 :

7 , 5

Vient le tour d’Amelius, de sa patte folle et de son bagage. Les deux du haut vont faire jouer leurs muscles, au Cappadocien de bien s’attacher et d’essayer de ne pas leur compliquer la tâche.
Amelius s’élève, par à-coups, repoussant tant bien que mal les parois pour rester le plus possible au centre du conduit, jusqu’à ce que la pluie se mette à tomber sur son crâne et finalement revoir la mine des deux fiers-à-bras.
Vidal et Janvier s’empressent de le tirer et de le défaire de ses liens, il faut faire vite: l’emplacement du puit n’est point discret, et Vidal a déjà dû, par deux fois, se fondre dans les ombres suite au passage inopiné de quelques silhouettes.

Une fois tous trois réunis sur la place, je mène mes compagnons dans une ruelle sombre le temps de réenrouler la corde et de faire le point:

-Ce sale temps nous sert, au moins. Il y a encore moins de monde dehors qu'habituellement à une telle heure de la nuit et ceux qui s'y risquent ont tendance à regarder la pointe de leurs chausses et à ne pas s'attarder!

Avisant un endroit sec et discret, j'y dépose la corde avant de faire signe à Amélius:

-Ouvre-nous la voie et filons!

La pluie abondante et le tonnerre vous sert jusqu’à un certain point: il handicape le maître Auspecteur qui a les oreilles agressées par tant de vacarme.
Du coup, votre percée dans les rues de Notre-Dame est moins efficace.
Par dessus le marché, l’activité humaine est plus intense que vous ne l’auriez cru. Surtout, elle devient d’un coup plus critique quand vous voyez passer dans le grain, quatre tuniques blanches…

J'ai observé les aller et venues autour de nous durant notre trajet: si d'autres petits attroupements comme le nôtre sont régulièrement croisés, j'opte pour un déplacement crâne, comme n'importe quel autre badaud. De plus, comme tout un chacun en temps de pluie, nous ne nous trouvons pas au milieu de la chaussée, mais sur un bord, longeant les murs des bâtiments afin d'y trouver un abri illusoire plus encore que relatif;

Si au contraire cela est rare (deux soudards escortant un moine faisant sa tournée de confesse), alors j'inviterai prestement mes compagnons à se faufiler dans une ruelle afin de laisser passer la supposée patrouille...

Il ne nous faut pas compromettre Lenval, soignons prudents glisse Amélius

Il n’y a pas grand monde dans les rues par un temps pareil. Mais ca ne vous empêche pas de voir passer, de temps à autres, quelques silhouettes, encapées, et généralement le pas pressé.
Si Vidal est maître dans l’art de la discrétion, il est plus compliqué pour Amelius, freiné par son handicap, de sauter illico dans les ombres. Janvier et le Cappadocien font de leur mieux, même s’ils ont failli être pris de court une fois ou deux, au détour d’un croisement. Comme personne ne stoppe votre avancée, vous finissez par déboucher bon gré mal gré sur une place de prime abord dépeuplée. C’est une grande place en forme de trapèze, avec trois de ces côtés bordés de hautes façades (la pluie résonne de plus bel dans cet espace clos). À cause du grain, impossible de voir ce qu’il y a du côté de la quatrième face, qui se trouve à l’opposé de votre position. Quant au logis de la personne chez qui vous comptez vous inviter, il s’agit d’une façade toute en longueur, coincée entre deux autres immeubles du même acabit, aux murs faits de pierres noires, aux fenêtres étriquées et protégée par une étroite mais solide porte.
Dans cette cour où le silence règne, pas une seule lumière ne semble vouloir briller.

Je pousse un juron étouffé avant de me tourner vers mes compagnons:

-Si seulement j'étais capable de voir la nuit! Attendez-moi ici, le temps que j'aille m'assurer que nous n'avons pas d'observateurs indésirables...

Je m'éclipse rapidement et passe d'ombre en ombre pour bénéficier de mon art et de mes disciplines: le bruit de l'eau tombant à verse m'épargne la nécessité de couvrir trop les sons. Je vais voir ce qui se passe sur "la quatrième face"...

J'use de mon occultisme et de ma discrétion!

Je ressurgis bientôt du rideau de pluie et je prends la parole aussitôt que mes compagnons ont noté ma présence. Je désigne le "quatrième côté":

-Là-bas, il y a la rivière traversée par un pont de pierre, puis la rase campagne...

Le problème est que celle-ci est envahie par l'imposant campement templier qui va jusqu'autour de l'égilse fortifiée de St Pierre des Carmes! Le camp est à moins d'une centaine de mètres et un guet garde le pont.

J'essuie distraitement d'une main mon visage trempé et dégoulinant:

-Je pense que le sieur Lenval n'aura pas manqué d'identifié les forces à ses portes, s'il n'a pas même trouvé un accord avec leurs chefs.

Je fais signe à Amélius de reprendre notre périple:

-Dépêchons-nous d'aller le rencontrer, mais déplaçons-nous entre deux éclairs, lorsque la luminosité de ceux-ci brouille momentanément la vue à n'importe qui!

Après avoir tambouriné à sa porte, un homme, la trentaine passée, vêtu de sombre et d’habits propres, se présente et vous fait pénétrer dans son logis.

Il vous considère un par un tandis que vous rentrez vous mettre au sec, et découvrez (mis à part Amelius déjà coutumier des lieux) une pièce aux fonctions multiples mais qui vous fait tout de même penser à un bureau. L’office fait quatre mètres sur trois, hormis la porte d’entrée et la fenêtre attenante, il y a au fond de la salle une ouverture donnant sur le reste de la maison. Tandis que l’homme s’empresse de rassembler des chaises, vous scrutez son bureau empli de feuilles et de carnets, de nécessaires d’écriture, coffrets et objets divers, dont le petit porte-bougie qui éclaire à lui seul l’espace.

— Je vous débarrasse peut-être ? demande-t-il avant de prendre lui-même place derrière son secrétaire. — Je suis Lenval, dit-il en s’adressant plus particulièrement à Vidal et Janvier, qu’il n’a jamais eu l’honneur de rencontrer. Frère Amelius est déjà venu me rendre visite il y a trois nuits. Je n’ai pas le plaisir de connaître ces deux autres messieurs.

— Janvier de Ceyssac et Vidal de Montamat, réplique immédiatement et, pour une fois, tout en sobriété l’envoyé de Polignac, tandis qu’il essuie son visage ruisselant et prend place sur l’un des sièges. Puis de préciser: Je suis l’infant du Prince Heucks Fraix de Polignac. Mon Seigneur et maître fait appel à tes compétences et t’a fait savoir qu’il désirait tout connaître des évènements politiques se tramant à Notre-Dame. Nous sommes venus recueillir ces informations en mains propres.

— J'ai bien reçu le message mandaté par notre maître commun, et ai réuni tout ce qu'il désirait. Que désiriez-vous entendre en premier lieu ?

Inondant le plancher de la demeure chichement éclairée, je me défais de mon manteau trempé et le dépose où je peux, si possible suffisamment étalé pour qu'il ait l'occasion de dégorger un peu.

J'essore ensuite mon visage et mes cheveux avant d'avancer et de venir prendre place sur l'une des chaises libres, mais pas avant que le maître des lieux ne se soit lui-même installé.

Puisque Janvier me présente, je ne prends la parole qu'une fois la question des priorités posée:

-Notre première question concerne les forces assemblées dans et autour du Puy: quels sont les effectifs des templiers, des troupes de l'évêque et de tout autre protagoniste potentiel... Je pense en particulier au petit campement à l'écart, dont le gonfanon m'est inconnu...

Je me frotte le menton:

-Mm, nous arriverions donc à un total maximal de 4 à 500 hommes... Encore trop peu pour prendre d'assaut la forteresse, mais largement suffisant pour investir la plaine et forcer le retrait des mercenaires... Ils pourraient alors assiéger, mais cela prend énormément de temps, pour faire tomber un tel castel...

Je change de sujet:

-Vous êtes un serviteur du Prince; êtes-vous seul?

Je hoche la tête:

-Que savez-vous des autres membres des clans de la nuit? Y en a-t-il d'autres que vous, et quelle est la situation entre eux, ici?

Son regard court sur chacun de vous, la perplexité le gagne.

— Messire, j'ai peur que vous vous mépreniez sur ma nature. Je ne suis point des... "vôtres". Et, d'"autres" tel que moi, je n'en connais point. Au risque de me répéter, si d'autres travaillaient pour le compte de Monseigneur Cornaro de Curton, nous n'avons jamais été mis en liaison.

Je peste intérieurement, mais me reprend:

-D'accord...

Dans ce cas, que pouvez-vous nous dire concernant un groupuscule fanatique d'encapuchonnés qui apparemment sévirait dans la région?

Je grimace à l'annonce de cette mauvaise nouvelle:

-Ouch! Et ce Durand est ici? De combien d'hommes parle-t-on?

Amélius se saisit du pli en remerciant Lenval. Il le tient d'abord devant lui, yeux fermé, pénétré, comme en suspend, puis l'ouvre pour en découvrir le contenu